Géraldine Van der Auwera, conseillère de 101 Génomes et autrice de « Genomics in the Cloud »


2023 / mardi, janvier 31st, 2023

Géraldine Van der Auwera est une talentueuse chercheuse bruxelloise. Elle vit aux Etats-Unis où elle a travaillé durant de nombreuses années pour le Broad Institute (co-créé par le MIT et l’Université d’Harvard). Elle est l’autrice d’un des tout premiers ouvrages consacré à l’alliance du Cloud et de la génomique et a contribué à la mise en place de la plateforme « Terra ». Elle met son expertise au service de la Global Alliance for Genomics and Health (GA4GH) et de la Fondation 101 Génomes depuis 2020. Ludivine l’a interviewé lors d’un de ses rares passages à Bruxelles pour tenter de mettre en lumière l’expertise unique de Géraldine et ce qu’elle apporte à 101 Génomes.

Ludivine : Bonjour Géraldine, pourrais-tu te présenter?

Géraldine : Je suis microbiologiste de formation, et me suis reconvertie dans la génomique humaine après un post-doctorat en génétique microbienne. J’ai travaillé une dizaine d’années au Broad Institute of MIT and Harvard, un institut de recherche en génomique à Boston aux USA. Là, j’étais principalement responsable du soutien technique et scientifique des chercheurs qui utilisent certains outils bioinformatiques mis à disposition de la communauté scientifique par le Broad Institute. Je suis actuellement consultante freelance en bioinformatique et communication scientifique. En activité complémentaire, je co-dirige la section génomique à grande échelle (Large-Scale Genomics Workstream) de la Global Alliance for Genomics and Health (GA4GH), une organisation internationale de développement de standards techniques et de cadres réglementaires visant à promouvoir le partage responsable des données génomiques.

L. : Peux-tu expliquer ton rôle pour la Fondation 101 Génomes et la raison pour laquelle tu as décidé de t’impliquer dès 2020 ?

G. : Romain et toi m’avez contactée pour me poser des questions relatives aux études génomiques de grande échelle menées par le Broad Institute, ainsi qu’à la migration vers le cloud des systèmes d’analyse et de partage de données génomiques, qui jouent un rôle clé dans l’implémentation de telles études. Je fus à la fois très touchée par leur histoire familiale et impressionnée par leur démarche de création de la Fondation ; cela m’a donné envie de leur prêter main forte. Je joue un rôle de conseillère, principalement au niveau du développement de l’infrastructure cloud pour soutenir les buts scientifiques du projet.

L. : Tu as écris « Genomics in Cloud ». C’est l’un des premier livre consacré à l’utilisation du Cloud pour conserver et étudier le génome. Peux-tu nous en dire un peu plus à propos de cet ouvrage ?

G. : Le livre Genomics in the Cloud, publié aux éditions O’Reilly Media en 2020, offre une introduction à la fois théorique et pratique aux méthodes d’analyse utilisées en génomique humaine, concentrée principalement sur le traitement des données et l’identification des variants à partir de données de séquençage, utilisant l’infrastructure cloud.  

Mon co-auteur, Brian O’Connor, et moi-même avons conçu cet ouvrage sur base de notre expérience commune à l’intersection de la génomique et de la technologie informatique. C’est un domaine très interdisciplinaire qui réunit à la fois des spécialistes en biologie et médecine, qui ont généralement très peu de formation informatique dans leur parcours, et des technologistes, programmeurs et autres professionnels de l’infrastructure informatique, qui se retrouvent confrontés à des concepts et vocabulaires scientifiques particulièrement complexes. 

Notre livre offre donc au lecteur une mise à niveau de ses connaissances techniques et scientifiques par le biais d’exercices pratiques, avec très peu de prérequis, dans le but de rendre la génomique humaine plus accessible. 

L. : Tu as consacré énormément de travail au développement de « Terra ». Pourquoi penses tu que 101 Génomes est un bon candidat pour rejoindre « Terra on Azure » ?

G. : Une des grandes difficultés rencontrées par les associations de recherche en maladies rares est le morcellement des sources de données génomiques. Beaucoup d’études sont basées sur un nombre de patients relativement modeste, trop modeste pour pouvoir utiliser les techniques d’analyses à grande échelle qui sont nécessaires pour examiner des mécanismes génétiques complexes de façon statistiquement robuste. 

La solution à ce problème est de fédérer les données provenant de multiples études. La plateforme Terra a été conçue pour permettre une telle fédération de données au sein d’un écosystème scientifique open-source qui promeut la collaboration scientifique tout en protégeant la sécurité et l’appartenance des données. 

101 Génomes est un excellent exemple de projet qui peut bénéficier d’une telle plateforme pour réaliser ses objectifs scientifiques sans devoir prendre en charge le développement et l’opération d’une infrastructure complète. Ayant déjà mis en place un data lake sur Azure, le cloud de Microsoft, la F101G pourra prochainement connecter son data lake à Terra on Azure, ce qui permettra aux équipes de recherches d’analyser ces données via Terra de façon collaborative. Au fur et à mesure que d’autres groupes migrent leurs données vers cet écosystème de fédération de données, ces analyses gagneront en puissance statistique et pousseront en avant notre compréhension des mécanismes biologiques impliqués.

L. : Y a-t-il quelque chose que tu souhaiterais ajouter ?

G. : Je pense qu’il est important de se rappeler que la génomique humaine revient, in fine, au patrimoine biologique global de l’humanité. Ceci a des implications éthiques, mais aussi très pratiques: nous ne pouvons atteindre une compréhension suffisante du génome humain que si nous disposons d’une représentation suffisante des populations à travers le monde. C’est pourquoi il est indispensable de travailler vers une collaboration internationale de fond, comme le fait par exemple la Global Alliance for Genomics and Health. C’est un effort qui nécessite la participation d’intervenants de tous les horizons — à la fois chercheurs, médecins, technologistes, légistes, politiques, ainsi que les associations de patients et même le grand public.

https://www.broadinstitute.org/building-communities/global-alliance-for-genomics-and-health#top

 

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