1. Pouvez-vous vous présenter ?
Je suis Catherine Boileau. Je suis généticienne et je dirige le département de génétique à l’hôpital Bichat à Paris.
2. Pouvez-vous nous expliquer en quoi consiste le Projet 101 Génomes Marfan ?
Le P101GM consiste à réaliser, pour la première fois, dans un nombre choisi au départ de 101 patients Marfan, un séquençage complet du génome, donc du matériel héréditaire que portent les Marfans. C’est donc vraiment très novateur et on en attend beaucoup.
3. Pourquoi avez-vous accepté de faire partie du Comité scientifique du Projet 101 Génomes Marfan de la Fondation 101 Génomes ?
En tant que généticienne, cela fait longtemps que je travaille sur le syndrome de Marfan. La question initiale que l’on s’est posée il y a très longtemps était : « Qu’est-ce qui est responsable du syndrome de Marfan ? ». À cette question-là on a répondu au début des années 90’ quand on a montré que les mutations du gène qui code la protéine qui s’appelle la Fibrilline 1 sont responsables de la maladie.
En répondant à cette question, on pouvait proposer de faire un diagnostic en laboratoire. Mais petit à petit, on s’est aperçu qu’avec ce diagnostic, on avait fait un grand pas mais qu’on ne pouvait pas répondre à la question : de quelle va être la forme de la maladie, que va faire la personne porteuse de la mutation dont elle a héritée, va-t-elle être grave, pas grave, etc. ?
Et ça, c’est vraiment le challenge à l’heure actuelle : c’est d’essayer de comprendre ce qui fait que d’une personne à l’autre, la maladie n’aura pas la même gravité. C’est très important non seulement pour suivre les malades et pour mieux les suivre et savoir lesquels il va falloir suivre de très près mais aussi essayer peut-être, en ayant compris, d’avoir des médicaments plus efficaces qui permettront de mieux traiter et prévenir les complications de la maladie.
4. En tant que scientifique, qu’attendez-vous du Projet 101 Génomes Marfan ?
Bien sûr, les attentes, ce sont celles des patients. En tant que chercheuse et personne impliquée dans le diagnostic, mon attente est de mieux comprendre et, en termes de diagnostic, c’est, comme je le fais maintenant, de déterminer si le patient est porteur ou pas porteur de la mutation mais aussi de pouvoir préciser la possibilité que la maladie soit grave ou pas grave.
5. Quel est pour vous l’élément clé qui fait que le Projet 101 Génomes Marfan est important pour les patients Marfan ? Et pour les autres maladies rares ?
Ce projet est un modèle pour les autres maladies rares. Pourquoi ? Parce que la problématique des maladies rares c’est exactement ce que dit le mot « rare ». Dans les maladies rares, pour faire de la recherche, on a besoin de réunir beaucoup d’équipes pour travailler ensemble parce que le nombre de personnes sur lesquelles on peut travailler est petit et que donc tous les tests statistiques qui sont nécessaires pour valider les résultats sont en défaut parce que les échantillons dont on dispose sont peu nombreux.
Le modèle qu’on est en train de mettre en place avec le P101GM est un modèle qui permet d’adapter une stratégie de recherche à cette problématique des malades qui ne représentent qu’un petit nombre de malades.
À titre d’exemple, un projet de recherche qui concernerait une maladie très fréquente comme l’infarctus du myocarde, c’est quelque chose qui est très fréquent dans le monde et dans un pays, on a largement assez de sujets qui font des infarctus du myocarde pour constituer un échantillon de population sur lequel travailler. Ce n’est pas du tout le cas dans les maladies rares et donc il faut trouver des moyens d’être efficace. Ce projet de recherche doit, si comme on l’espère il aboutit, nous permettre de proposer un modèle pour les autres maladies rares.
Professeur Catherine Boileau, PharmD PhD
CRMR Syndrome de Marfan et apparentés, Service de Cardiologie (G.J., C.B.),
Laboratory for Vascular Translational Science, INSERM U1148 (G.J., C.B.) and
Département de génétique moléculaire (C.B.), Hôpital Bichat, Paris, France